OLÉAGINEUX Encourager le développement du tourteau français

Avec 2,63 Mt de tourteau de soja importés pour 3 Mt consommés en 2022-2023, la France reste à près de 90 % dépendante des importations. « C’est difficile de remplacer le soja importé, parce que c’est une protéine d’excellente qualité, reconnaissait Jean-Louis Peyraud, directeur scientifique adjoint en charge de l’agriculture à l’Inrae à l’occasion du colloque Cap Protéines, le 31 mai. Toutefois, avec la déforestation et la demande chinoise croissante, il faut s’affranchir de cette dépendance aux importations. »

Du soja à la place du maïs

Alors, comment s’en passer ? En augmentant la production de soja en France et, surtout, en actionnant d’autres leviers. « Le colza et le tournesol sont des cultures bien adaptées à notre climat qu’il faut continuer de développer », souligne-t-il. Si ces deux dernières années, le contexte économique, et notamment le prix de l’azote, avait favorisé la culture du soja, les épisodes de sécheresse successifs lui ont fait perdre de la vitesse en 2023. Le tournesol, quant à lui, tire son épingle du jeu.

Se passer du soja semble également compliqué pour Cédric Pasco, responsable du desk protéines chez Saipol, qui mise sur l’augmentation des surfaces tricolores. « La France exporte 4 Mt de maïs, ce qui représente une surface d’environ 400 000 ha. Demain, une partie de cette surface pourrait être utilisée pour le soja. La production française pourrait ainsi augmenter d’1 Mt », se projette-t-il.

Répondre aux lacunes techniques

Dans le cadre du programme Cap Protéines, la chambre d’agriculture d’Alsace a mis en place un réseau de suivi de parcelle de soja irrigué. « On avait identifié des lacunes techniques et un certain besoin des agriculteurs sur cette culture », témoigne François Lannuzel, responsable grandes cultures à la chambre. L’objectif du projet était donc de répondre aux problématiques techniques des agriculteurs. « La forte dominance maïs dans la région fait que l’irrigation du soja est pilotée de la même manière alors que c’est une culture qui a des spécificités avec des besoins moindres », ajoute-t-il. Pour ce qui est de la disponibilité en eau, « tant qu’on pourra faire du maïs en Alsace, on pourra faire du soja. C’est une culture importante dans les rotations alsaciennes sur laquelle il faut continuer de travailler. »

Concentration en protéines

Les bovins et les volailles sont les deux plus gros consommateurs de tourteaux de soja importé en France. Augmenter la qualité des tourteaux de colza et de tournesol en les concentrant en protéines est donc indispensable pour s’affranchir de ces importations. C’est notamment ce qu’à fait Saipol. La filiale du groupe Avril a équipé deux sites d’une unité de décorticage afin de produire du tournesol High Pro (37 % de protéines). Avec son projet Décoproze, Saipol prévoit également à l’horizon 2028 de produire des graines avec la même teneur en huile, mais avec une plus grande teneur en protéines. De plus, le leader de la transformation de graines oléagineuses ambitionne de faire du tournesol Very High Pro avec un taux de protéines qui se rapprocherait de celui du tourteau de soja. Un travail que mène également le projet Coopéara qui fédère 17 coopératives d’Auvergne-Rhône-Alpes. Région proactive en la matière puisque pas moins de trois outils de trituration sont sur les rails, portés par Nutralp (lire ci-contre), Oxyane et Ucal (ce dernier étant déjà opérationnel). Pour un potentiel total de 70 000 t de graines oléoprotéagineuses locales, soit environ 45 000 t de tourteaux et 25 Ml d’huile. Enfin, preuve que le sujet mobilise partout, Nealia, filiale de Vivescia Industries, a annoncé en mai investir avec Sanders dans un outil de trituration de soja dans les Ardennes (lire ci-contre).